Le Petit Palais vient d’acquérir auprès d’une galerie parisienne un portrait en cire de Rembrandt par Stanislas Lami.
Un portrait rétrospectif d’artiste
Si Stanislas Lami (1858-1944) est aujourd’hui bien connu comme historien de l’art, on sait moins qu’il a également lui-même pratiqué la sculpture. La cire récemment achetée par le musée appartient à une série de bustes rétrospectifs produits par Lami à la fin des années 1890. Outre Rembrandt, la série comportait des effigies de Botticelli, Titien, Léonard de Vinci, Chardin et La Tour : cette démarche de célébration des grandes figures artistiques passées à la postérité fait en quelque sorte écho à sa propre démarche d’historien de la sculpture, à travers son projet de Dictionnaire des sculpteurs de l’École française.
L’entrée de ce buste de Rembrandt dans les collections du Petit Palais, dont l’un des axes d’acquisition est consacré aux (auto)portraits d’artistes, est donc tout à fait pertinente. Le musée conserve également un certain nombre de bustes rétrospectifs, tel le Vélasquez (1884, plâtre patiné, inv. PPS569) et le Frans Hals (1884, plâtre patiné, inv. PPS581 et PPS582) de Jean Carriès.
Importance de la figure de Rembrandt
Icône du Siècle d’or hollandais, génie reconnu tant dans le domaine de la peinture que de la gravure, Rembrandt suscite un regain d’intérêt au cours du XIXe siècle. Dès 1836, le marchand de tableaux londonien John Smith publie le premier catalogue raisonné de ses peintures. En 1852, on dévoile à Amsterdam une statue de Louis Royer (1793-1868) à l’effigie du maître. En 1883, l’amateur et érudit Eugène Dutuit (1807-1886) publie un catalogue de l’œuvre gravé de Rembrandt en deux volumes, illustré d’héliogravures réalisées entre autres à partir de sa propre collection, publication qui fait encore autorité aujourd’hui. Le buste de Lami s’inspire des traits bien connus de Rembrandt, grâce à ses nombreux autoportraits peints et gravés.
De plus la figure de Rembrandt trouve un écho particulier dans les collections du musée, qui peut s’enorgueillir de posséder le seul autoportrait peint en pied de l’artiste, probablement réalisé à Leyde, en 1631, avant le départ du maître pour Amsterdam. Le musée conserve par ailleurs l’œuvre gravé quasi complet de Rembrandt, artiste fétiche d’Eugène Dutuit, qui a rassemblé plus de trois cent cinquante estampes d’une qualité exceptionnelle du maître néerlandais. Parmi les centaines d’estampes de la collection Dutuit figure notamment l’intégralité des vingt-huit autoportraits de Rembrandt, qui ont pu servir de source à Lami, outre les autoportraits peints.
Un bel enrichissement de l’ensemble de cires du musée
Enfin le fonds du Petit Palais est également riche en cires, une particularité due à l’active politique d’acquisition menée par le conservateur Henry Lapauze au début du XXe siècle auprès des artistes et de leurs descendants, qui a conduit à l’entrée dans les collections de plusieurs fonds d’atelier : plâtres, terres cuites et cires constituent ainsi la majorité des matériaux représentés dans les fonds du musée. Plusieurs cires emblématiques contribuent ainsi à la renommée de la collection, tel le spectaculaire autoportrait de Carriès (Mon portrait, 1888, PPS387), ou L’Âge d’or de Medardo Rosso (1885, PPS910). Par ailleurs, le Petit Palais conserve l’un des plus riches ensembles d’œuvres d’Henry Cros, grand promoteur de la cire colorée, grâce au don de Jacques Zoubaloff en 1916, complété par l’acquisition, en 2005, de l’important bas-relief Les Dames de Thélème (inv. PPO3735). Le buste de Rembrandt de Lami vient compléter de façon très pertinente ce corpus de cires qui constitue en partie l’identité du fonds du musée.
A.-C. C. Mise en ligne le 23/01/2025