Nikola Sarić, né en 1985 en Serbie, vit et travaille à Hanovre (Allemagne). Il découvre l’art byzantin alors qu’il entreprend ses études à la Faculté des Arts appliqués de l’Université de Belgrade. Marqué en particulier par la beauté des fresques médiévales du monastère de Studenica, il se spécialise dans l’apprentissage des techniques de la fresque, de l’icône et du dessin à l’Academy of Serbian Orthodox Church for Arts and Conservation, tout en approfondissant sa connaissance du premier art chrétien, dans ses expressions arménienne, copte et byzantine. Face à l’appauvrissement de l’art de l’icône contemporain, il fait le pari d’une créativité et d’un renouvellement possible dans ce domaine.

Ses recherches plastiques aboutissent à une vision nourrie d’éléments graphiques et stylisés. D’autres sources stylistiques sont convoquées, puisées dans l’Antiquité orientale, l’Art nouveau, l’Art des années 1930 ou la bande dessinée, aboutissant à une oeuvre originale, toute en recomposition et simplification des schémas connus. Le choix de techniques et de gammes chromatiques absentes de l’art byzantin, notamment dans ses peintures à l’aquarelle aux tonalités pastel, contribuent à ce renouvellement de l’art de l’icône. Le style graphique et épuré de l’artiste confère aux personnages une présence magnétique servie par une atmosphère souvent énigmatique, que ne contredit pas une douceur généralisée.

Composée à partir de la vidéo de l’exécution postée sur les réseaux sociaux, Les Martyrs de Libye synthétise les différents éléments de la mise en scène macabre soigneusement orchestrée par Daech : les vingt et un otages sont alignés à genoux, portant la combinaison orange dont ils avaient été revêtus en référence aux prisonniers de Guantanamo. Les bourreaux forment derrière eux une autre ligne. Dissimulés sous la tenue noire à cagoule de l’armée de Daech, ils maintiennent à terre les condamnés, un couteau à la main. Le rivage se teinte de la couleur du sang des otages et rejoint le ciel, dans lequel s’inscrit la figure du Christ apparaissant dans une nuée. Le Christ est revêtu de la même couleur orange que les martyrs, qu’il recueille dans ses bras. La présence du Christ relève d’une interprétation théologique de l’exécution, qui n’est plus perçue comme un simple crime mais comme un martyr.

L’image puise aux sources des icônes de martyrs de la tradition byzantine dont le Petit Palais conserve plusieurs exemples de premier plan, comme l’icône des Quarante martyrs de Sébaste (Bulgarie, fin du XVIIe siècle), autre martyre collectif auquel assiste le Christ. Témoin de l’actualité la plus proche, l’artiste inscrit d’emblée son oeuvre dans la lignée des icônes hagiographiques. Cette acquisition vient apporter à la collection du musée le regard d’un jeune artiste porté sur des événements récents de l’histoire, documentant ainsi la naissance d’un culte des saints contemporains, désormais intégré dans le calendrier de l’Église copte.

R. Z.

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