Walter Sickert (1860-1942) fait partie de ces nombreux artistes étrangers qui ont vécu et créé en France autour de 1900. Sickert expose avec ses contemporains français, par exemple au Salon des XX à Bruxelles en février 1887, au Salon des indépendants ou encore au Salon d’automne, auquel il participe systématiquement entre 1905 et 1909. Son travail est aussi diffusé à Paris grâce aux expositions organisées notamment chez Durand-Ruel (en 1900) et Bernheim-Jeune (en 1904, 1907 et 1909), les deux marchands qui le soutiennent en France. 

Bien qu’il ait vécu essentiellement en Normandie pendant ses « périodes françaises » (une dizaine d’années en tout), il a séjourné ponctuellement à Paris à de nombreuses reprises et était bien inséré dans le milieu culturel de la capitale. Sickert a par exemple trouvé en Edgar Degas, rencontré en 1883, un mentor et un allié durable, et a noué une amitié indéfectible avec Jacques-Émile Blanche qu’il fréquentait à Dieppe. Plus largement, les artistes français modernes, de Courbet et Manet jusqu’aux Nabis, ont fortement influencé le renouvellement du traitement du nu que Sickert a défendu en Angleterre. Ce dernier était particulièrement proche de Bonnard et Vuillard, partageant leur goût pour une peinture intimiste et une palette tonale toute en nuances que l’on retrouve dans Woman Seated at a Window

Cette œuvre est un parfait exemple de la période de Camden Town (1907-1913) de l’artiste, qui débute un peu après son premier retour à Londres, et consiste essentiellement en des peintures de nus et de figures féminines dans des intérieurs sombres, aux teintes étouffées. Le tableau représente une femme au buste dénudé, assise sur le rebord d’un lit, sous lequel on aperçoit un pot de chambre. Le visage tourné vers une fenêtre dont la lumière est filtrée par des rideaux et voilages, elle semble perdue dans ses pensées. Sa poitrine nue est très vivement éclairée, et contraste avec le reste de la toile, dont les teintes sombres et subtiles, caractéristiques de l’œuvre de Sickert, se font argileuses voire boueuses. Les leçons de la peinture tonale, apprise auprès de son premier mentor, James Abbott McNeill Whistler, y sont encore sensibles. 

Ce tableau appartient aux œuvres les plus apaisées de la période de Camden Town, souvent éclipsées par la postérité de ses travaux liés à l’affaire du meurtre de Camden Town, dont le caractère est plus ouvertement sexuel et évocateur de la prostitution ou du moins d’une certaine misère sociale. On y observe cependant la même obsession pour la représentation de la figure humaine, que Sickert n’abandonnera jamais, et les mêmes caractéristiques que dans ces derniers : le traitement dépassionné du nu féminin ; les déformations du corps par des jeux de raccourci ou, comme ici, d’éclairage et de disproportions ; la recherche sur la lumière et les couleurs du contre-jour, qui fascine Sickert. En effet, lorsque celui-ci recherche et acquiert simultanément plusieurs studios dans les quartiers populaires de Londres au milieu des années 1910, il prête une attention particulière à la lumière qui doit entrer dans la pièce d’une manière bien spécifique, et permettre ainsi un traitement particulier du corps nu. Woman Seated at a Window a très probablement été peinte dans un de ses studios principaux, au 6, Mornington Crescent, dans le quartier de Camden Town. Sickert a peint de nombreuses figures dans cet espace qui présentait cette qualité d’éclairage particulière, frappante par exemple dans Mornington Crescent Nude (1907, Fitzwilliam Museum). On en retrouve le décor, et notamment le fer forgé de la fenêtre dans d’autres peintures comme Girl at a window. Little Rachel (1907, Tate Britain). Un dessin préparatoire annoté, conservé à la Whitworth Art Gallery de Manchester, permet aussi ce rapprochement (Baron, 353.1).

C. R.

 

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