Avec la déroute de Napoléon Ier en 1814, les troupes européennes coalisées sont devant les murs de Paris. Le 30 mars, la bataille s’engage, rude et désespérée face à l’écrasante supériorité des alliés. Le maréchal Bon-Adrien Jeannot de Moncey (1754-1842) organise la défense de la ville à la barrière de Clichy. Avec quelques milliers de jeunes volontaires inexpérimentés, ils résistent à l’ennemi avec une bravoure héroïque. C’est cet épisode exaltant la résistance de la Nation que Napoléon III souhaite célébrer. Aussi, le 18 août 1861, Jean-Baptiste Carpeaux est-il invité par la Ville de Paris à concourir pour le monument commémoratif au maréchal Moncey qui sera érigé place de Clichy.

Sculpteur originaire de Valenciennes, Carpeaux s’installe à Paris en 1838. En 1844, il entre à l'École des Beaux-Arts où il est l'élève de François Rude. Il débute sa carrière dans sa ville natale mais le concours annuel pour le prix de Rome, qui est encore sous le Second Empire la clé des commandes de l’État, est dès le départ l'un des objectifs du jeune artiste. Après plusieurs tentatives infructueuses, il décide de quitter l’atelier de Rude pour celui du sculpteur Francisque Duret. En septembre 1854, après dix années d’effort, il obtient enfin le grand prix de Sculpture et se rend à Rome l’année suivante. À son retour à Paris en 1862, il bénéficie de la faveur de l’Empereur et participe aux chantiers majeurs du Second Empire.

Détail du monument au maréchal Moncey par Amédée Doublemard dans un tableau d'Edmond Grandjean, La Place de ClichyEn 1864, il présente au concours cette impressionnante esquisse en plâtre, proposant une formule inédite renouvelant profondément la tradition du monument équestre depuis la Renaissance : le traditionnel piédestal disparaît au profit d’un monument-pyramide posé sur un simple socle. Dans le registre inférieur, le combat fait rage : il est constitué d’une sorte de magma vigoureusement modelé, avalanche humaine dans laquelle s’imbriquent des corps enchevêtrés et d’où émerge, sur un cheval cabré, le héros. L’apparente confusion de l’œuvre cache en réalité une composition savante : le sens du mouvement est donné par les lignes obliques et tournoyantes, ainsi que par la figure centrale de la Patrie dont le drapeau suit l’élan de bas en haut et de droite à gauche. Carpeaux donne un véritable souffle épique à cette résistance héroïque : pour le profil de certaines figures et le placement des accents de lumière, il s’inspire de tableaux de Delacroix et de Géricault, deux peintres qu’il admire.

Cette esquisse d’une rare audace demeure sans conteste l’un des projets les plus originaux soumis par Carpeaux. Il n’est cependant jamais réalisé : tranchant sans doute trop vivement dans le milieu artistique de son temps, le projet est écarté au profit de celui, plus académique, du sculpteur Amédée Doublemard (statue) et de l’architecte Edmond Guillaume (piédestal).

H. D.

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