Une file de miséreux, jeunes et vieux, se dirige vers la soupe qui leur sera distribuée dans les locaux de la Bouchée de pain. La scène se déroule dans une rue de Paris, un matin d’hiver à la lumière des réverbères. L’usure des vêtements et la gestuelle des corps en marche en disent long sur la condition de ces ouvriers sans travail. Habitant de la Butte Montmartre, le peintre Fernand Pelez offre un témoignage saisissant de vérité sur le Paris populaire de la fin du XIXe siècle.

La Bouchée de pain est le seul tableau peint par Pelez pour l’Etat à l’occasion d’une commande du ministère des Beaux-Arts en 1881. La mise en œuvre de cette grande composition (Fonds national d’art contemporain) ne débutera qu’après 1900 et s’achèvera en 1908. Dix esquisses préparatoires sont conservées au Petit Palais. Elles sont peintes dans un camaïeu de bruns à la manière des lavis d’encre. Les personnages sont représentés par groupe ou individuellement, grandeur nature. Des hommes de la rue sont venus poser dans l’atelier de Pelez situé 62 boulevard de Clichy. Certains modèles sont jeunes et portent des vêtements d’ouvriers. D’autres plus âgés, vêtus de haillons, ont basculé dans la précarité.

La pauvreté urbaine touche en priorité une main-d’œuvre peu qualifiée, les malades et les accidentés du travail, que les crises économiques laissent sans emploi et sans ressource. Face au retard des réformes sociales, les organismes catholiques occupent encore à la fin du XIXe siècle une place prédominante dans l’action caritative. Ouverte rue Cujas, l’œuvre de la Bouchée de pain s’est nommée ainsi en référence au dernier repas de Jésus avec les apôtres.

Josephin Péladan, qui rédige l’éloge funèbre de Pelez en 1913, ne manque pas de souligner cette étroite correspondance entre l’art du peintre et la pensée chrétienne de son temps : « C’est un mystique, il a donné aux gueux la plus pure, la plus belle exécution picturale qu’on puisse rêver. Son pinceau a essuyé sur le visage du malheureux les larmes de la douleur injuste, et il mérite ce titre insigne de peintre ordinaire de Sa majesté seule chrétienne la Misère ».

I. C.

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